L'ultime
voyage du « Clemenceau »
L'ex-porte-avions doit être finalement démantelé
en Angleterre
Alors
que le chantier d'Hartlepool (nord-est de l'Angleterre) attend l'ex-porte-avions
français Clemenceau, les écologistes locaux jettent
leurs dernières forces dans la bataille pour que leur ville
ne devienne pas « la destination finale des poubelles flottantes
du monde entier ». |
L'ex-fleuron de la marine française contient quelque 700 tonnes de matériaux contaminés à l'amiante |
«
Nous ne voulons pas du Clemenceau. Nous avons déjà beaucoup
d'industries polluantes pour une ville de cette taille », confie à
l'AFP Jean Kennedy, militante de 70 ans, précisant avoir récolté
15 000 signatures contre Able UK. Selon elle, la ville, nichée à
l'embouchure très industrialisée de la rivière Tees «
affiche le taux de cancers et d'asbestose le plus élevé du pays
et une longévité inférieure de 13 ans à la moyenne
nationale ».
« Le Clemenceau est né à Brest, il devrait mourir à
Brest », lance sa camarade Iris Ryder, soulignant que le site d'Able
« n'est même pas un chantier, c'est une décharge qui a
été présentée au gouvernement français
comme une infrastructure ultramoderne ». Peter Stephenson, patron du
chantier, se défend : « Depuis 1985, nous démantelons
des plateformes pétrolières et gazières qui contiennent
le même genre de déchets contaminés que ces navires. Nous
l'avons fait sans la moindre plainte de quiconque pendant toutes ces années
».
« Poubelles flottantes »
Ce n'est pas la première fois qu'Able et l'association croisent le
fer : la société a décroché en 2003 le démantèlement
de plus de dix navires de la marine américaine, dont seuls quatre ont
finalement fait le voyage. Les travaux de dépollution ont débuté
mi 2008, retardés par des recours en justice.
« Nous ne voulons pas devenir la destination finale des poubelles flottantes
du monde entier. Toute la flotte russe attend », a lancé Mme
Kennedy.
Mais l'association se bat seule, réduite à protester devant
la mairie de cette cité de 92 000 habitants. En effet, les organisations
de premier plan comme Greenpeace se sont réjouies du démantèlement
en Occident plutôt qu'en Inde où les conditions de travail sont
déplorables et les conséquences sur l'environnement dramatiques.
Côté habitants, le soutien semble limité. Sur la vingtaine
de personnes interrogées au cœur de la ville, la moitié n'était
pas au courant de la controverse.
Pour William, retraité septuagénaire, ce contrat est synonyme
d'emplois dans une région sinistrée : « Ils ont déjà
des employés mais il va y avoir beaucoup de créations d'emplois
».
Un sentiment partagé par Robbie, vendeur de journaux, qui souligne
qu'avec la crise économique, « les suppressions d'emplois se
multiplient. Les magasins ferment, les usines ferment ».
Pour Jerry Drewitt, capitaine du port de Tees et Hartlepool, n° 3 britannique,
le Clem « n'a rien d'exceptionnel. Même si sa forme est inhabituelle,
il n'est pas plus grand que les navires que nous recevons tous les jours et
qui transportent des produits très dangereux ».
«Pourquoi quelques tonnes d'amiante deviennent un problème ?
Nous construisons ces navires, il faut les recycler correctement »,
a-t-il estimé.
Le Bien Public - Bourgogne - 26/01/2009