Environnement.
Le difficile recyclage des cinq millions d'arbres de Noël
Mon beau sapin, roi des trottoirs
C'est la saison des sapins
fanés. Comme tous les ans après les fêtes, les arbres
de Noël se multiplient sur les trottoirs. Cette pratique est pourtant
interdite et passible d'une amende pouvant aller jusqu'à 200 €. «Les
bons citoyens doivent apporter leur sapin dans les Déchetteries, afin
que l'arbre soit recyclé et transformé en compost», rappelle
Bruno Coudret, directeur de la propreté de l'agglomération de
Lyon.
Malgré ces appels au civisme, la majorité des cinq millions
de sapins vendus chaque hiver échoue sur la chaussée. Un cauchemar
pour les municipalités. «Ils ne rentrent pas dans les camions-bennes
classiques. Ils sont pris en charge par le service des objets encombrants,
que nous devons renforcer en janvier», explique-t-on à la mairie
de Bordeaux. Cette collecte coûte environ 500 € pour 200 arbres, soit
une facture totale de plus de 5 millions d'euros pour les communes.
Ramassés en même temps que les matelas et les vieux frigos, les
sapins abandonnés ne sont pas conduits dans les centres de recyclage,
mais aux incinérateurs. Pas très écologique, même
si la chaleur ainsi produite sert aux réseaux de chauffage urbains.
La solution serait d'organiser une tournée de ramassage spéciale,
une pratique courante au Québec et en Belgique. A Bruxelles, les habitants
étaient invités hier à déposer leur sapin devant
leur porte. Lancée en 1995, cette initiative permet de recycler 200
tonnes de bois par an.
«En France, cette pratique est presque inexistante», déplore
Roger Abiven, coprésident d'Agir pour l'environnement et le développement
durable. Cette association brestoise a envoyé, fin décembre,
une lettre ouverte au conseil général du Finistère et
aux maires de ce département pour réclamer une collecte spécifique.
Les mairies interrogées par le JDD répondent que cela coûterait
trop cher et que leurs administrés ne sont pas assez disciplinés.
«On ne réussirait pas à faire en sorte que les gens déposent
tous leur sapin le même jour», estime Jean-Paul Polard, directeur
de la propreté de l'agglomération de Brest.
A Bordeaux, la communauté urbaine a joué la carte de l'incitation.
Pour la première fois, des bennes à sapins ont été
installées sur deux places du centre-ville pour les gens qui ne veulent
pas ou ne peuvent pas apporter leur arbre en Déchetterie. Ils seront
convoyés dans les trois centres de recyclage de la ville, et serviront
à fertiliser les vignes du Bordelais. «Ça marche: nous
avons moins de sapins dans les rues cette année», se félicite-t-on
à la communauté urbaine.
L'opération recyclage la plus spectaculaire vient du privé.
Depuis cinq ans, Ikea rembourse presque intégralement le montant du
sapin à ses clients qui le rapportent en magasin. Pour chaque arbre
qu'elle a vendu 16 €, l'enseigne offre un bon d'achat de 15 €, et reverse
1 € à l'Office national des forêts. «Le taux de retour
est de 90 %. Cette année, nous nous attendons à collecter 150.000
des 165.000 sapins que nous avons vendus pour les fêtes», indique
le groupe. L'agglomération de Lyon s'est inspirée de ce succès:
à partir de cet été, les habitants qui apportent leurs
déchets verts au recyclage se verront offrir un sac de compost gratuit.
Yann Philippin
Journaliste, service économie
LE JOURNAL DU DIMANCHE, 07/01/2007