Venue de Chirac : levée de bouclier des antinucléaires
Pris de cours mais pas démobilisés, les antinucléaires
du pays de Brest seront sur le front, ce matin, en presqu'île de Crozon,
pour dénoncer le programme de modernisation de l’arme atomique soutenu
par Jacques Chirac. Ils comptent, au moins, rallier de nouvelles consciences
citoyennes.
Agir pour l’environnement et le développement durable, Amis du monde
diplomatique, Flottille Rade de Brest pour une mer propre, Greenpeace, Les
Verts du pays de Brest, Mouvement pour la paix, Sortir du nucléaire
Cornouaille et Université européenne de la Paix ont défini
leur plan de bataille dans l’urgence. Peu de chance, par conséquent,
d’imaginer un rassemblement de dizaines de milliers de partisans de l’abandon
de l’arme nucléaire, ce matin, à 10 h 30, au rond point de Tal-ar-Groas,
devant le dissuasif cordon de sécurité du Président de
la République. Ni d’observer le débarquement d’une armada de
kayak, à 11 h, au Fret, à l’initiative de la Flottille de la
rade. Quant à Greenpeace, sa forme de participation tient de l’habituelle
surprise.
«Hypocrisie française»
Mais le but de ce collectif semble moins de se montrer que de faire passer
un message. Et pour atteindre cette cible, il dispose de retentissants porteurs.
Les étudiants de la faculté de Lettres ont été
les premiers, hier, à ressentir l’impact des paroles de trois spécialistes.
Xavier Renou, responsable de campagne «Désarmement nucléaire
» à Greenpeace-France, dénonce « l’hypocrisie de
la politique d’armement nucléaire de la France, signataire du traité
de non-prolifération d’un côté et qui renouvelle sa force
de frappe nucléaire de l’autre ou transfère sa technologie vers
l’Iran».
Techniquement pointu sur la question, Jean-Marie Collin, journaliste et chercheur
associé au centre de documentation et de recherche sur la paix et les
conflits, s’interroge «sur la pertinence de renouvellement de systèmes
qui ne répondent pas aux enjeux stratégiques contemporains comme
le terrorisme. D’autant que le coût est énorme. Si nous considérons
la période 1945-2010, la France aura investi 300 milliards d’euros
dans l’arme nucléaire. Soit le budget complet de l’Etat pendant un
an».
«Un nouveau protocole»
Message d’espoir pour terminer avec Dominique Lalanne, directeur de recherche
au CNRS en physique nucléaire et aussi président de l’association
Abolition des armes nucléaires-Stop essais, qui estime toujours «possible
d’atteindre l’objectif d’abandon de l’arme nucléaire dans le monde.
Si les politiques en finissent avec l’argument de la légitime défense
et élaborent un processus fixant des objectifs de réduction
inspirés par les nouveaux protocoles internationaux, genre Kyoto».
Encore faut-il, comme le souligne Dominique Lalanne, «qu’il y ait une
volonté politique» et pas seulement sur le papier. Sans illusion
sur l’opportunité d’en toucher deux mots au principal intéressé
aujourd’hui, les opposants aux armes nucléaires comptent sur un relais
citoyen pour inciter Chirac «à ne pas gâcher une réelle
possibilité d’enclencher la détente mondiale».
Le Télégramme 19/01/2006