Bateaux pollueurs. Les factures se salent
Matterhorn, à quai sans doute pour longtemps faute de versement de la caution, tarif des amendes pour le moins inflationniste: au parquet, la donne a changé autour de la compétence spécifique des pollutions maritimes.
Le
tribunal a prononcé ce matin (hier, NDLR) deux peines d'amende
record. Comment analysez-vous ces décisions, alors que vos réquisitions
étaient nettement plus basses ? Françoise Mariaux : Depuis le durcissement de la loi, le tribunal a une marge de manoeuvre à la hausse. L'environnement est devenu un thème primordial. Les enjeux sont importants, et je pense que les juges ont été sensibles à cela. |
Le Matterhorn, scotché à quai depuis le 26 mai, a été détourné pour une pollution observée dans son sillage. Il pourra reprendre la mer après le paiement d'une caution de 300.000€, en attente de l'audience devant le tribunal correctionnel de Brest. |
Dans
cette nouvelle donne, allez vous suivre l'inflation en augmentant substantiellement
les montants des cautions que vous fixez lorsque vous déroutez un navire
pollueur ?
Il faut faire très attention. Le cautionnement que nous réclamons
avant le procès, juste pour que le bateau puisse quitter le port de
Brest, n'est pas une amende, ce n'est pas une peine. Il s'agit d'une garantie
qui est fixée cas par cas et qui prend en compte un certain nombre
de critères, comme l'envergure de la pollution supposée, l'état
du bateau, la santé financière de son armateur... La caution
est une procédure et c'est tout. Pour nous, le déroutement permet
d'abord d'effectuer une enquête rapide sur les constatations techniques,
je dirai presque en temps réel. D'autre part, l'objectif du parquet
est que cette caution puisse être payée afin de garantir la représentation
en justice de l'armateur et du capitaine, mais aussi le dédommagement
des parties civiles et celle de l'amende future.
Clairement,
sur une caution de 300.000€, comment est réparti l'argent ?
50.000€ pour les parties civiles, 50.000€ pour les garanties de représentation
et 200.000€ pour l'État. En attendant le procès pénal.
En cas de relaxe, les sommes sont reversées à l'armateur, évidemment.
300.000€,
comme la caution du Matterhorn, qui n'a toujours pas été payée.
Où en est le dossier ?
J'ai entendu que l'armateur avait fait faillite, mais je n'en ai pas confirmation
pour le moment. La caution n'a pas été payée, donc le
bateau reste au port de Brest. C'est un état de fait qui dure depuis
le 26mai, issu d'une décision judiciaire. Nous ne pouvons rien faire
de plus. Le problème qui va se poser est si la caution n'est jamais
payée... Le procès est déjà audience au 6 janvier
2010.
Et
s'il prend la fuite ?
Je crois que nous le saurons, ce bateau serait repéré comme
fuyard.
Toujours
en imaginant le pire, comment pouvez-vous contraindre les bateaux qui refusent
à payer les très lourdes amendes que le tribunal a prononcées
ce jour ?
Il existe peu de moyens, c'est exact. Toutefois, les décisions de ce
tribunal sont connues et commentées dans le milieu maritime. Un armateur
qui «oublierait» de s'acquitter de l'amende traînerait dans
son sillage une sorte de réputation infamante. Il faut continuer à
faire en sorte que la décision soit connue. En regardant les chiffres
des pollutions volontaires à la baisse, il est raisonnable de se dire
que le système est efficace.
Propos
recueillis par Steven Le Roy
Le Télégramme - Brest - 02/07/2009