Albert Jacquard. Tendre révolutionnaire
Polytechnicien et philosophe, Albert Jacquard, 83 ans, est avant tout un philosophe humaniste. Hier, il présentait son dernier ouvrage lors d'une conférence à Saint-Martin-des-Champs (29). Éclairé et incisif, le sage dénonce les comportements autodestructeurs des hommes et prône la coopération.
Nucléaire.
Supprimer les bombes Écologie.
Devenir moins gaspilleur |
Albert Jacquard, aujourd'hui âgé de 83 ans, continue de porter un regard éclairé sur le genre humain. Photo Claude Prigent |
Economie.
Le mirage de la croissance
«Aujourd'hui,
1/5 de l'humanité dépense les 4/5 des richesses. Un changement
suppose une remise en cause des concepts économiques comme la notion
de valeur. Les sociétés actuelles reposent sur la croissance,
c'est-à-dire la création de valeur. Mais qu'est-ce que cette
valeur ? Comment la mesure-t-on ? La valeur est une notion indéfinissable.
La valeur d'un objet dépend de l'objet lui-même mais encore plus
de ce qu'il l'entoure. La valeur n'existe pas en soi. Si l'on tient compte
de ces remises en cause, alors, tout ce que l'on fait aujourd'hui est absurde.
Qu'est-ce qui a le plus de valeur dans la vie ? Le jour où l'on a acheté
une nouvelle voiture ? Non, mais certainement celui où l'on a reçu
un sourire que l'on n'attendait pas. Je suis pour la croissance, mais celle
des véritables valeurs humaines».
La
crise ? Une absurdité
«La
fameuse crise financière qui nous touche depuis près d'un an
est une absurdité. La meilleure illustration est caractérisée
par la réaction du gouvernement. Un jour, il nous dit que les caisses
sont vides. Puis six mois plus tard, il distribue des centaines de milliards
aux banques. Certainement de l'argent trouvé dans le double fond de
la caisse. Ce n'est pas sérieux. Le terme de "crise" n'a
d'ailleurs aucun sens. Il faut plutôt parler de mutation, comme quelque
chose d'irréversible. Et profitons de cette mutation pour changer la
donne. Nous vivons dans une période où tout est possible, y
compris le pire. Ceci est un fait et pas une opinion».
Éducation.
Stopper la compétition
«L'école
n'a pas pour but de fabriquer des gens compatibles avec la planète
mais des gens capables de réfléchir à leur destin. Il
ne s'agit pas d'accumuler des savoirs mais de partager avec les autres. C'est
à l'école que l'on doit apprendre à se rencontrer afin
de s'enrichir. Le système de notation ne sert à rien car la
compétition engendre la destruction de l'autre. Cette concurrence n'est
pas naturelle mais émerge d'une construction sociale. Il est primordial
d'inventer une nouvelle ère où la coopération serait
au centre de nos activités humaines. Si l'on accepte la généralisation
de la compétition, alors, effectivement, le compte à rebours
peut commencer».
Albert Jacquard, «Le compte à rebours a-t-il commencé?», aux Éditions Stock.
Steven Lecornu
Le Télégramme - Bretagne - 20/05/2009